
L'accord sur la migration entre la Mauritanie et le Sénégal marque une nouvelle étape qui reflète l'esprit du partenariat privilégié entre Nouakchott et Dakar. Un accord qui intervient dans une dynamique de partenariat caractérisée par une nouvelle phase de relations avec l'entrée conjointe des deux pays dans le club des pays exportateurs de gaz. Quels sont les détails dudit accord, ses exigences et son importance pour l'avenir des deux pays riverains ? Sera-t-il un modèle pour des accords avec d'autres pays, notamment des Etats similaires ou proches du voisinage mauritanien ?
Zoom Essahraa sera consacré cette semaine à l'accord mauritano-sénégalais régissant l'entrée et le séjour des citoyens des deux pays, en termes de durée et de tarifs.
L’accord proprement dit :
L'accord, dont les détails ont été négociés au cours des deux derniers mois, est intervenu dans un contexte où certains de ses points les plus importants sont :
Une situation de tension suite à l'expulsion de plusieurs Sénégalais en situation irrégulière ;
L'échange de clips vidéo qui a suivi sur les réseaux sociaux et qui a suscité des réactions négatives, que les diplomates des deux pays ont œuvré à contenir en annonçant des solutions en cours de négociation pour résoudre les problèmes de résidence de leurs ressortissants.
Les deux pays ont célébré leur entrée dans le club des pays exportateurs de gaz après le partage à parts égales du champ Great Tortue Ahmeyim GTA. Ils avaient fêté cela ensemble avec la présence de deux présidents. Une célébration qui traduit les espoirs de Nouakchott d'entrer dans l'ère gazière pour atteindre ses objectifs de développement.
Avantages préférentiels :
Le fait que cet accord soit le premier du genre entre la Mauritanie et les pays voisins après les troubles causés par l'expulsion d'immigrants et de résidents illégaux témoigne en soi de la relation privilégiée entre les peuples des deux rives du fleuve Sénégal.
Il reflète également la compréhension des autorités quant à la nécessité de surmonter ces défis et de trouver des solutions pour garantir le respect des lois, la fluidité du transit et la facilitation de la résidence. Cela s'est traduit par deux points principaux de l'accord :
Un permis de séjour de trois mois assorti d'un permis d'entrée sans autre formalité.
Tarifs réduits (3 000 MRO) pour les personnes souhaitant résider dans l'un ou l'autre pays.
L'importance particulière des relations entre la Mauritanie et le Sénégal, outre les dimensions sociétales et historiques et la question vitale du gaz, découle de considérations dont les plus importantes sont peut-être :
- La complémentarité. Les Sénégalais trouvent des opportunités d'emploi en Mauritanie dans les secteurs de la pêche, de la construction et du travail domestique, tandis que les Mauritaniens trouvent des opportunités d'emploi dans le commerce.
Le Sénégal est une destination majeure pour les étudiants et les patients mauritaniens dont les infrastructures sanitaires nationales ne fournissent pas les soins nécessaires.
Sera-t-il un « accord modèle » ?
L'accord entré en vigueur et censé rétablir des relations normales est-il une exception dans les relations entre deux pays, avec des justifications exceptionnelles évidentes, ou servira-t-il de « modèle » à présenter aux autres pays voisins et à tous les Etats de la région, en particulier ceux qui entretiennent des relations étroites avec la Mauritanie ?
La discussion porte ici plus particulièrement sur la République du Mali, avec laquelle la Mauritanie partage des intérêts aussi vitaux que ceux du Sénégal :
Le Mali compte une importante communauté travaillant en Mauritanie dans les secteurs de la construction, de l'agriculture et du travail domestique.
Les Mauritaniens sont fortement présents dans les secteurs commercial et industriel du Mali.
Dans le domaine du pastoralisme et de l'élevage, les trois pays offrent des opportunités de partenariat importantes et vitales (les agriculteurs mauritaniens ont besoin de pâturages ; le Sénégal, en particulier, a besoin de bétail, notamment des ovins pendant les fêtes religieuses).
Des défis communs
La migration, le crime organisé et le conflit qui fait rage dans la région constituent des défis qui devraient pousser les pays du Sahel et d'Afrique de l'Ouest à adopter des approches de partenariat et de coopération. Cependant, l'écart entre les vœux et les réalisations demeure constant.
L'accord de Nouakchott-Dakar servira-t-il d'exemple et de prélude à des accords bilatéraux ouvrant des chapitres convenus pour gérer les risques partagés ? Ou bien la spécificité de la relation entre les deux pays de chaque côté du fleuve et les considérations sur « l’horizon de l’ère du gaz » font-elles de cette question quelque chose à garder plutôt qu’à servir de référence ?