
Le Parlement européen a approuvé, hier jeudi 17 septembre courant, en séance plénière, un projet de loi relatif à la coopération UE-Afrique en matière de sécurité, et qui s’inscrit dans une approche nouvelle. Dans une interview exclusive accordée à l’Agence mauritanienne d’information, le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et des Mauritaniens de l’Extérieur, M. Ismael Ould Cheikh Ahmed, analyse ce nouveau texte dans lequel il voit un document fondateur d’un nouveau partenariat.
Question : Le Parlement européen vient d’approuver un projet de loi (Résolution) intitulé « Rapport sur la coopération UE-Afrique en matière de sécurité dans la région du Sahel, l’Afrique de l’Ouest et la Corne de l’Afrique ( 2020/2002(INI)) ». Quelle est votre opinion sur ce texte ?
I.O.C.A. : Le gouvernement mauritanien salue ce texte, soumis par l’Honorable Javier Nart, député européen, qui porte à notre avis des avancées significatives de nature à raffermir davantage les liens entre l’Afrique et l’Europe. Comme on le sait, après cette approbation, le texte a désormais force de loi au niveau des pays membres de l’UE..
Nous nous réjouissons également de l’évaluation positive de ce texte quant à la situation en Mauritanie, et quant au leadership du Président de la République, SEM Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani.
Il est à noter que le texte révèle une grande convergence entre la Mauritanie et l’UE sur l’ensemble des questions évoquées dans son contenu. C’est l’occasion pour nous d’exprimer notre satisfaction à l’égard de cette convergence de points de vue. En fin c’est un texte fondateur qui jette les bases d’un nouveau partenariat plus solide, tant au plan bilatéral que multilatéral.
Question : Quelles sont les nouveautés que ce nouveau texte apporte ?
I.O.C.A. : Ce texte porte trois grandes nouveautés :
Premièrement il réserve à notre à notre pays et à notre Président des passages très positifs et strictement objectifs. C’est ainsi que le paragraphe 36 note qu’il « salue et soutient l’approche mauritanienne globale, qui inclut une stratégie fondée sur la dimension sociale et le développement dans sa réponse militaire et sécuritaire; exprime sa solidarité avec le Niger, le Mali et le Burkina Faso, pays profondément touchés par le terrorisme; salue la communauté internationale, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, la force multinationale mixte, le G5 et les forces armées françaises (opération Barkhane), la cellule de conseil et de coordination régionale (CCCR) de l’Union, l’EUCAP Sahel Mali et Niger, l’EUTM Mali, le GAR-SI Sahel et l’armée tchadienne, force clé dans les secteurs centre et est du G5 et qui, de ce fait, nécessite un soutien particulier pour ses bataillons, pour leurs efforts et leurs sacrifices; demande aux pays du G5 Sahel de poursuivre les réformes nationales et de mettre pleinement en œuvre les droits de l’homme, la bonne gouvernance et la responsabilité démocratique, tout en respectant les droits de l’homme et les règles de la démocratie ».
Le paragraphe 37 précise, lui aussi, « que le parlement européen salue la déclaration conjointe du président du Conseil européen, Charles Michel, et du président de la République islamique de Mauritanie et président en exercice du G5 Sahel, Mohamed Cheikh El Ghazouani, du 28 avril 2020, à l’occasion de laquelle ils ont réaffirmé et renforcé leur engagement vis-à-vis de la sécurité, de la stabilité et du développement du Sahel en étroite coopération avec le secrétaire général des Nations unies, le président de la Commission de l’Union africaine et l’actuel président de la CEDEAO ».
Nous ne pouvons ici qu'exprimer notre appréciation positive pour cette reconnaissance de nos mérites.
La deuxième nouveauté est que la nouvelle législation change profondément la doctrine européenne en matière de politique étrangère et de sécurité. Désormais, l’UE pourra fournir des armes et des équipements, et aura un instrument pour les financer (La Facilité Européenne pour la Paix, FEP). Le texte promet l’appui aux forces armées des pays du Sahel et à leur Force Conjointe.
Si nous examinons le paragraphes 17, il dit clairement que le parlement « recommande à l’Union européenne d’envisager de contribuer aux coûts opérationnels et logistiques des opérations de lutte contre le terrorisme menées par les forces armées nationales mauritanienne, malienne, burkinabè, nigérienne et tchadienne dans le cadre des opérations de maintien de la paix dans la zone sahélo-saharienne, en adoptant une approche similaire à celle relative au financement de la force conjointe du G5 Sahel et de la mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM). Il note aussi que « la FEP devrait être un instrument approprié à cette fin ».
Quant au libellé du paragraphe 29 du texte de loi, il souligne sans équivoque que le parlement « demande aux États membres et à l’Union européenne d’aider la force conjointe du G5 Sahel à devenir opérationnelle, en lui fournissant une assistance financière, de même que du matériel militaire et une formation, tout en prévoyant des mesures adéquates de protection et d’atténuation des risques, ainsi que des conseils dans le domaine de la réflexion, de la planification des capacités et de la gestion. Le même paragraphe souligne la nécessité d’une composante policière solide et crédible à cet égard, et demande aux partenaires qui ont pris des engagements lors de la conférence des donateurs du 22 février 2018, à Bruxelles, de les mettre en œuvre sans délai ».
Je dois rappeler qu’auparavant, en matière militaire, l’UE ne pouvait légalement fournir que de la formation.
La troisième nouveauté est relative aux problématiques liées à la Covid19 et à l’endettement, si chères au Président de la République. Le texte soutient résolument l’option d’une d’aide mondiale exceptionnelle pour sortir de la crise économique causée par le coronavirus, ainsi que l’annulation pure et simple de la dette africaine.
Par ailleurs, le parlement « juge essentiel de fournir une aide extraordinaire et globale aux régions confrontées aux difficultés engendrées par la pandémie de COVID-19, de préserver la continuité des missions et opérations de la PSDC, en conseillant les forces armées locales sur la façon de faire face à cette épidémie. Elle œuvrera aussi au renforcement de l’action de l’Union en faveur du développement dans ces régions, ce qui peut jouer un rôle important dans la réduction des effets de la crise sanitaire. De même, elle est appelée à fournir une aide humanitaire essentielle, en faisant preuve de souplesse et d’adaptabilité. Et elle se félicite de la décision unanime du G20 de suspendre le paiement des services de la dette des pays les plus pauvres.
Au paragraphe 53, le parlement « recommande à l’Union européenne d’intervenir financièrement, en collaboration avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, ainsi qu’avec la Banque africaine de développement, pour contribuer au contrôle de la dette et au paiement des intérêts ». Il demande à ce que toutes les possibilités d’allègement, de suspension et de soutenabilité de la dette des pays africains soient étudiées au vu de la pandémie de COVID-19 et de ses conséquences financières.
Question : Quelles conclusions peut-on tirer de ces nouveautés ?
I.O.C.A. : Il faut dire que c’est la première fois que l’UE, un acteur mondial incontournable, s’engage collectivement sur ces deux questions d’importance pour notre pays et pour notre continent.
Je voudrais souligner, ici, que cette nouvelle loi, avec ses passages spécifiques sur notre pays , constitue un texte fondateur d’une nouvelle approche européenne pour le Sahel, l’Afrique de l’Ouest et la Corne de l’Afrique .
Il est essentiel, pour nous, d’ajouter avant de terminer que le texte consolide la vision qu’ont nos partenaires européens de notre pays : un acteur essentiel de la paix, de la sécurité et de la prospérité régionales, et donc mondiales.



































