
Les relations entre Nouakchott et Bamako traversent une étape difficile, en raison des visées régulières dont sont victimes les mauritaniens dans les zones frontalières et des vagues d'indignation qui en ont résultées en Mauritanie, renforcées également par les déclarations de Bamako dégageant toute responsabilité de son armée sur ces crimes, malgré les nombreux témoignages oculaires affirmant son implication directe dans ces tueries.
La crise aggravée traversée par le Mali depuis des années et l’ayant conduit à être qualifié d'« État défaillant » et l’atmosphère de large indignation en Mauritanie, à la suite de massacres de sang-froid de ses citoyens, feront-elles voler en éclats des liens demeurés intactes et solides pendant des décennies, consacrant des siècles de coexistence tout au long des longues périodes de l'histoire. ??
« « «
Le prix de l’interdépendance des populations de part et d’autre
La Mauritanie et le Mali sont liés par de longues frontières de plus de deux mille kilomètres, qui sont des limites territoriales habitées en général par des populations interdépendantes et étroitement liées dans leurs activités commerciales et pastorales et bien avant cette proximité, par le quotidien de leur vie familiale et sociale. Une situation qui fait de la “ séparation" entre les deux parties de la frontière (qui n'est pas souvent délimitée), un processus quasi- impossible en temps de paix à fortiori en période de guerre et de crises.
Le prix de ces opérations de chevauchement était positif pour les deux Etats dans le passé, cependant, il s’est transformé, aujourd’hui, en une "situation complexe" difficile à gérer.
* Pour la Mauritanie, le prix de l’interdépendance de part et d’autre, place aujourd'hui le pays devant deux options, dont la meilleure est de s'adapter aux tueries odieuses qui ont coûté la vie à des dizaines de citoyens et dont le sang coule à flot en vain sans même qu’on trouve quelqu'un pour reconnaitre la responsabilité de cette effusion de sang, jetant l’opinion dans le suspens total, en attendant les résultats d’enquêtes qui ont de très faibles chances d’arriver à des conclusions fiables.
* Quant au Mali, qui a pratiquement perdu le contrôle des deux tiers de son territoire, le prix à payer est également exorbitant, dont le moindre est de perdre l’unique débouché sur le monde extérieur à l'heure où cet Etat fait l’objet d’un embargo imposé par la Communauté Economique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).
« « «
Qui tire profit ...?
Il est généralement recommandé au début de la quête de l’auteur d’un crime, de quelque nature que ce soit, de chercher la partie qui en tire profit. Mais le problème dans ce cas est que les données sur le terrain ne donnent pas une réponse crédible, à plus forte raison catégorique. Nous nous trouvons devant une carte de "bénéficiaires potentiels", qu’il est difficile d’apprécier sur l’unique critère de "rente" pour déterminer qui est derrière le crime.
* Les putschistes au pouvoir à Bamako et leur nouvel allié (Wagner de Russie) sont engagés dans ce qu'ils considèrent comme une attaque sans précédent contre les groupes violents et extrémistes, leurs sources de financement et leurs lignes d'approvisionnement, pariant sur un succès rapide dans leur guerre, recourant à des massacres odieux pour intimider l'incubateur social et économique, afin d’isoler ces groupes et par conséquent plier et éradiquer facilement leur échine et enfin déclarer une victoire historique, renforçant la légitimité du gouvernement qu'ils veulent convertir d'un régime de transition provisoire en un pouvoir militaire permanent.
* La France expulsée du Mali avec les alliés européens, après une décennie de guerre contre le « terrorisme », n'a pas obtenu les résultats escomptés sur le terrain, peut avoir un intérêt, en montrant, après s’être vue déclarée persona non grata dans la région, qu’il est difficile de se passer de ses services et que le prix de son retrait de la scène serait très élevé, non seulement pour le Mali, mais pour toute la région.
* Les groupes violents aux titres et relations étroitement liés sont régis par une autre logique, à savoir la mainmise de l'ensemble de leurs opérations dans la région, opérant avec des « infidèles apostats » cherchant à transformer leur vie en enfer, surtout quand ils estiment que les positions des gouvernements de leur pays « suivent » d’une manière ou d’autre ce qu’ils qualifient de « djihadistes » !
« « «
Y a-t-il des "options" ? !
Les choix pour les deux pays, qu’ils soient examinés de l’angle des intérêts ou de celui des risques semblent très difficiles :
* Le Mali, ne peut se passer, avant l’embargo, de la Mauritanie, à fortiori, après avoir passé près de 45 jours sous le poids du blocus.
* Et la Mauritanie, dans les années de bonne pluviométrie, de grandes végétations et de stabilité, ne pouvait à son tour, s’autosuffire à elle seule par rapport au Mali, à plus forte raison, à une période où les signes de la crise économique mondiale et d'une année de sécheresse difficile pour les agriculteurs au niveau des wilayas pastorales limitrophes, se font de plus en plus sentir.
* Et les dangers que représentent les groupes violents, présents au Mali et guettant la Mauritanie, qui attendent avec impatience la première faille dans les relations entre les deux Etats pour s’infiltrer et mettre à exécution leurs menaces.
De là, on peut dire - en conclusion - que les deux Etats sont condamnés à aller de l'avant avec la stratégie de "gestion commune de la crise", de sorte à assurer :
- Le contrôle des frontières et d’arrêter les tueries au niveau de ces zones, afin de ne pas devenir une réalité vécue sur le terrain, qui contraint à une fermeture aux conséquences extrêmement difficiles à supporter pour les deux pays.
* Rétablir la confiance entre les deux Etats, de manière à aider à "apaiser les sentiments" et à éviter que des vagues de colère latente ne se transforment en une conviction de l'opinion publique de part et d’autre, conduisant inéluctablement à une rupture et transformant la crise de son niveau de problèmes aux frontières en une impasse globale entre deux Etats, dont chacun abrite un grand nombre de citoyens de l'autre et dont les ressortissants sont impliqués dans toutes les articulations de son cycle économique.
Cet dont les gouvernements de Nouakchott et de Bamako et leur peuple ont besoin.

